Jean Lévêque (1930 – 2019)

Publié le 18 janvier 2019

Philosophe, ancien enseignant à l’ensa Nantes, qui a marqué de son passage des générations d’étudiants.

Jean Lévêque

Nous apprenons le décès de Jean Lévêque survenu dans la journée de vendredi.

Philosophe, enseignant en classes préparatoires au Lycée Clemenceau à Nantes et membre actif du collège international de Philosophie. Il a pendant de nombreuses années enseigné à l’école nationale supérieure d’architecture de Nantes, marquant de son passage des générations d’étudiants. Les enseignants qui ont travaillé avec lui témoignent de son immense culture et de son esprit passionné et singulier.

Nous transmettons nos condoléances à sa famille et ses amis.

Tous les témoignages sont les bienvenus pour publication sur le site. Merci de les adresser à communication@nantes.archi.fr

Jean Leveque-témoignages

Quand le cœur souffre et peine « sans savoir pourquoi » comme a dit le poète (Verlaine, il pleure dans mon cœur) c’est que… loin de nous… dans le vaste monde… il meurt quelqu’un qu’on aurait dû connaître ! Ce vendredi 11 janvier, au retrait de la nuit, notre ami et collègue Jean Lévêque s’est éteint. Au nom de l’ensa Nantes, nous transmettons nos vives condoléances à ses enfants et sa famille.

Certains parmi notre école l’ont intimement connu et apprécié sa compagnie, son érudition, sa disponibilité et l’écart qu’il nous intimait d’insinuer dans l’architecture même de la pensée architecturale ; beaucoup de nos étudiants l’ont côtoyé et ont été fasciné par l’entrelacs de ses récits mêlant désirs et mathématiques, termes et provenances, fragments et jeux, origines et ratures ; quelques-uns ont puisé chez lui, sans l’épuiser, le fil directeur de leur devenir, de leur manière de faire et de questionner l’architecture, mieux leur vie. Aussi nombreux qu’ils fussent, trop peu quoiqu’il arrive tant sa figure fut singulière et inspiratrice, amicale et bienveillante, aujourd’hui, sans doute, un grand nombre de nos étudiants, bien qu’ils ne l’aient pas rencontré, ont un vif pincement au cœur car ils auraient dû le connaître et l’approcher.

Jean Lévèque n’était pas seulement “le philosophe” comme on s’accommodait à l’appeler à l’école, il préférait se dire épistémologue, d’où notre cours “épistémologie du projet” et pour cause : n’est-ce le projet de cette discipline de réduire la déhiscence entre science et philosophie, sciences humaines et sciences dures, entre savoirs et pratiques. Il incarnait à merveille le concordat suite à un divorce moderne. D’où ses récits qui entrelacent littératures et mythes, philologie et anthropologie, physique et métaphysique, mathématique et linguistique, histoire et géographie, art et biologie ou chimie… D’où ses multiples figures et lieux fétiches dont je ne pourrais citer tragiquement que quelques uns et dans le désordre : Ulysse ou Orest, Heraclite ou Hipias, Parménide ou Socrate, Hésiode ou Saint Augustin, Al-Khawarismi ou Lulle, Loyola ou Eckhart, Descartes ou Leibniz, Hegel ou Heidegger, Saussure ou Benveniste, Poincaré ou Thom, Levi-Strauss ou Tarde, Comte ou Cournot, Jabès ou Amrouche, Junger ou Banine, Dagerman ou London, Wiener ou Carnot, Lavoisier ou Prigogine, Canguilhem ou Monod, Abd El-Kader ou les Habsbourg… il s’intéressait au studiolo et au boudoir, à l’architecte et au maçon, aux rites et aux révolutions, aux huguenots et aux kabyles… deux lieux saisis par des coupures le hantaient parmi sa géographie du Monde qui n’avait pas de frontières : l’Algérie et Thagaste, la Scandinavie et la Norvège.

La violence de l’absence ne peut être atténuée ce matin que par la proximité de nos souvenirs des jours et des nuits de partage avec lui, des cheminements qu’il dévoilait, des vocations qu’il faisait naître, d’initialités indomptables et non pédantesques qu’il aidait à advenir chez les uns et les autres.

Jean, toi qui écrivait dans un de tes manuscrits que je conserve jalousement : “Je me suis toujours méfié des lettres de la mort (même en ne faisant que les épeler : m, o, r, t) et de ces dépôts de significations que je voulais dé-sédimenter…”, avant d’effleurer ce point de fin familier qui m’effraie! mais comme tu le sais, puisque tu citais constamment Jabès, “ce point si petit, pourtant contient les autres points en cendres ; hier et demain sont moitiés d’un même point”, je tiens à t’avouer que tu étais et tu resteras parmi nous “une fleur!,… l’absente de tous bouquets”.

Tewfik Hammoudi

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